En Martinique, au temps du carnaval, la coutume veut que la plupart des participants se couvrent entièrement de fard. Parmi eux, émergent Les Hommes d’Argile, une troupe qui a fait ses débuts au carnaval de Fort-de-France il y a plus d’un quart de siècle.

Depuis toujours, dans le cadre de rituels ou de festivités, l’être humain a manifesté son penchant pour la décoration corporelle à travers des peintures tégumentaires. Celles-ci servent à exprimer son affiliation à un groupe ou à affirmer sa singularité. L’idée novatrice des Hommes d’Argile appartient à Sylvain Filon, aujourd’hui à la tête du groupe et artisan-potier, spécialisé dans la création de carafes au Village de la Poterie aux Trois-Îlets, berceau de la poterie artisanale en Martinique.

La passion de Sylvain pour l’argile ne date pas d’hier. C’est ce jour-là, en 1995, alors qu’il cherche un costume pour le carnaval, qu’il est particulièrement inspiré. L’idée de se couvrir le corps d’argile ocre rouge, souvent associée à la terre mère dans les cultures traditionnelles, germe dans son esprit. Trois personnes se joignent rapidement à lui pour arborer cette pâte rouge et défiler au carnaval de la ville. À l’époque, ils se font connaître sous le nom des « Nègres d’Argile ».

Leur présence ne passe pas inaperçue, attirant l’attention admirative de centaines de spectateurs. Étonnés par ce succès, les potiers décident de continuer à déambuler et à surprendre. Parmi les témoins de leur performance, M. Lamorandière, du service culturel de la ville, encourage Sylvain à développer cette idée originale et esthétique. Ainsi naissent les « Hommes d’Argile ».

Aujourd’hui, le paysage culturel martiniquais serait incomplet sans eux. Chaque année, une trentaine d’Hommes d’Argile défilent lors du carnaval de Fort-de-France. De la tête aux pieds, leur peau est revêtue d’une couche monochrome et mate. Mi-hommes, mi-statues, ils se meuvent pour s’immobiliser soudainement, prenant des poses qui évoquent des tableaux humains frappants, singuliers et énigmatiques. Leurs postures successives, leurs attitudes immobiles ponctuées d’expressions sérieuses révèlent une grâce indéniable, alors que des objets en terre cuite (jarres, pots, carafes, bassins…) soulignent leur lien profond avec la terre. Un spectacle qui transcende le simple défilé, offrant une expérience visuelle et culturelle inoubliable.

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