Le carnaval de Martinique, riche en traditions et en réminiscences culturelles, célèbre les racines à travers des groupes emblématiques tels que les « Nèg gwô siwô ». Cet ensemble, empreint de malice, s’inscrit au cœur des festivités carnavalesques de l’île.

Le carnaval, véritable théâtre où les corps se parent et se transforment, se trouve être le lieu de l’expression artistique, où le masque devient une rupture avec le quotidien, un échappatoire dans une autre époque. Le travestissement, au-delà de ses aspects festifs, véhicule des messages, autorise l’exubérance et offre une allégorie puissante. C’est dans cet esprit que les « Nèg gwô siwô » ont puisé leur inspiration conceptuelle.

L’histoire de ce groupe remonte à plus de vingt ans, dans le bourg du Prêcheur, où une famille eut l’idée ingénieuse de se recouvrir d’un mélange de suie (charbon de bois écrasé) et de sirop de batterie. Ce geste symbolique rend hommage aux « neg marrons » fugitifs de l’époque esclavagiste, qui utilisaient cette mixture pour échapper aux regards de leurs maîtres, se camouflant rapidement avant de s’évader des plantations et de gagner la forêt, symbole de liberté.

Le succès de ce déguisement a conduit une association de Schœlcher à perpétuer cette tradition. Aujourd’hui, les « Nèg gwô siwô », composés d’hommes, de femmes et d’enfants, forment un groupe mythique défilant depuis plus de deux décennies dans les rues de Fort-de-France. Ils conservent l’aspect distinctif d’être entièrement badigeonnés de la tête aux pieds de mélasse, une recette épaisse et visqueuse, jalousement gardée par le mystérieux « Moïse » qui l’applique rituellement sur les participants.

Une fois enduits de cette mixture, les « Nèg gwô siwô » se lancent dans des agitations festives, ajoutant une dimension subversive au défilé carnavalesque. Ils sont redoutés du public et des autres carnavaliers, qui craignent d’être touchés par ce sirop collant et visqueux.

À l’origine, leur mission était de faciliter la circulation au sein du défilé en ouvrant le passage aux groupes à pied, protégeant les chars de la foule. Aujourd’hui, leur rôle évolue, et ils taquinent joyeusement la foule, perpétuant la tradition tout en transmettant l’histoire aux nouvelles générations.

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